Je suis partout était un
Journal Français publié par
Arthème Fayard, dont le premier numéro sortit le
29 novembre 1930.
Pierre Gaxotte fut son responsable jusqu'en
1939. Le dernier numéro est paru en août
1944.
La fondation
Je suis partout, comme son nom l'indique, est un hebdomadaire fondé pour couvrir l'actualité internationale. Au départ, le journal n'est ni d'extrême droite, ni antisémite, ni même politiquement uniforme. Mais le noyau dur des rédacteurs clairement imprégnés de
Maurrassisme l'emporte assez rapidement :
Pierre Gaxotte,
Robert Brasillach,
Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau,
Claude Jeantet,
Bernard de Vaulx (ancien secrétaire de
Charles Maurras),
Maurice Bardèche,
Alain Laubreaux,
Claude Roy,
Miguel Zamacoïs, Pierre Halévy, Pierre Drieu La Rochelle et le dessinateur
Ralph Soupault, etc. Les modérés quittent la rédaction. Le journal devient dès lors antiparlementaire, antidémocrate, nationaliste et convaincu de la « décadence » de la France. Il durcit rapidement ses positions, alors que la rédaction est de plus en plus séduite par les partis fascistes.
La dérive fasciste des années 1930
Je suis partout plébiscite
Mussolini dès 1932, dans un numéro spécial publié en octobre de cette année. Il soutient la
Phalange espagnole, la
Garde de fer roumaine et le petit mouvement d'
Oswald Mosley. Il montre un grand intérêt pour
Léon Degrelle et son mouvement fasciste, le
Christus Rex. Le correspondant de l'hebdomadaire en
Belgique est député rexiste dans les années 1930.
Je suis partout se rapproche progressivement à partir de 1936-1937 du
Nazisme.
L'antisémitisme du journal se déchaîne après les émeutes de février 1934, puis encore plus après l'accession de Léon Blum à la tête du gouvernement en 1936. Il rivalise de racisme avec les publications nazies à partir de 1938 avec deux numéros spéciaux : « Les Juifs » (1938) puis « Les Juifs et la France » (1939). Dans ce deuxième numéro, Lucien Rebatet est l'auteur d’un long article sur « L’Affaire Dreyfus », article dans lequel la culpabilité de Dreyfus ne fait pas alors le moindre doute pour l’écrivain. Cette radicalisation effraie la librairie Fayard qui vend le journal en 1936 à de nouveaux actionnaires, dont le riche héritier d'origine argentine Charles Lesca, qui se définit comme un « fasciste authentique autant que calme » (en 1940, Alain Laubreaux et Charles Lesca sont arrêtés sur l'ordre de Georges Mandel).
Je suis partout réclame un fascisme à la française : « On ne matera le fascisme étranger que par le fascisme français, le seul vrai fascisme. » (14 avril 1939). Il ne cache pas sa sympathie pour le Front de la liberté esquissé par Jacques Doriot avec les principaux mouvements d'extrême droite et le plus grand parti conservateur de l'époque, la Fédération républicaine.
Jusqu'en 1941, Charles Maurras ne condamne pas ses disciples. La rupture a lieu cette année-là, lorsque le journal, interdit en 1940, peu avant l'invasion allemande, reparaît et clame son collaborationnisme.
L'organe emblématique du collaborationnisme
Triomphant après avoir obtenu de reparaître sous l'occupation allemande, l'hebdomadaire multiplie les polémiques et les appels au meurtre contre les Juifs et les hommes politiques de la III
e République. Ainsi, dans l'édition du
6 septembre 1941 Robert Brasillach écrit-il que « la mort des hommes à qui nous devons tant de deuils tous les Français la demandent.» Et dans celle du
25 septembre 1942 : « Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder les petits. »
Si Je suis partout n'est pas, tant s'en faut, le seul journal collaborationniste, il est le plus important et le plus influent. Ses rédacteurs revendiquent d'avoir été les pionniers du fascisme en France, même s'ils reconnaissent des précurseurs, comme Édouard Drumont et revendiquent, au moins en 1941, l'influence de Charles Maurras. Ils travaillent aussi à La Gerbe, au Journal de Rouen, à Paris-Soir et plus encore au Petit Parisien, étendant ainsi leur influence.
Je suis partout exerça une influence assez importante sur un lectorat plutôt jeune et intellectuel. Son audience devient plus grande sous l'Occupation : le tirage passe de 46 000 exemplaires de 1939 à 250 000 en 1942. Les grands écrivains Jean Anouilh, Marcel Aymé, et surtout Louis-Ferdinand Céline, y publient des textes pendant cette période, malgré le déchaînement des articles politiques.
Robert Brasillach est rédacteur en chef de juin 1937 à septembre 1943. Cette nouvelle donne comprend aussi: Georges Blond, Jean de La Varende, René Barjavel, Jean Meillonnas et Morvan Lebesque. Après l'éviction de Brasillach, jugé trop modéré, la direction est assurée par Pierre-Antoine Cousteau. Ce changement marque un dernier glissement : Je suis partout s'aligne intégralement sur le nazisme, oublie l'ouverture aux intellectuels qui avait fait une partie de son succès dans les années 1930 pour l'anti-intellectualisme des nazis et des fascistes les plus fanatiques, ouvre ses colonnes aux Waffen-SS.
Plusieurs rédacteurs adhèrent au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot et à la Milice. Cousteau et Rebatet clament le 15 janvier 1944 : « Nous ne sommes pas des dégonflés » et assurent la parution de l'hebdomadaire jusqu'en août.
Bibliographie
- Pierre-Marie Dioudonnat « Je suis partout » (1930-1944). Les maurrassiens devant la tentation fasciste, éd. La Table ronde, 1973, rééd. 1987 ; Les 700 rédacteurs de « Je suis partout », éd. SEDOPOLS, 1993
- Michel Dobry (dir.), Le Mythe de l'allergie française au fascisme, éd. Albin Michel, 2003
- Pascal Ory, Les Collaborateurs, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 1980
- Eugen Weber, L'Action française, éd. Fayard, 1985 et Hachette, 1990